EU Origin: the business of pilots

Bien avant les AEL payantes (Adaptation En Ligne) et l’émergence des écoles privés (dont la 1ère dans l’hexagone, Aéropyrénées fondée en 70 par M. Gérard Pic), les QT finançables par des particuliers ont fait leur apparition par le biais d’acteurs historiques tels ATR ou ce qui s’appelait à l’époque le SEFA.
Nous n’avions que des informations fragmentaires concernant les 1ers acteurs privés proposant des QT de notre côté de l’Atlantique, qui auraient en partie démontré la viabilité commerciale de l’exploitation de la tendance qui, ultimement, nous a mené à notre perte par notre propre faute (nous les pilotes) ainsi qu’à la paupérisation de toute notre profession.

Partant de ce que nous savons, il existe plusieurs façons d’obtenir l’information; la monnayer, l’échanger, ou… la demander poliment. Nous avons opté pour la dernière option.

CockpitSeeker:
Bonjour Monsieur Malécot,
Que l’on m’excuse de soulever la poussière de vieux sujets mais, j’aimerais beaucoup savoir si le nom de Carrasco vous disait quelque chose.
En effet il m’est impossible de retracer l’histoire d’Airways et je voulais me confirmer qu’elle était issue de la scission d’une boîte qui s’appelait FL200 à Casa[blanca – ndlr] et qui était parmi les 1ères (hors USA – la 1ère?) à proposer des QT payantes (737 dans ce cas) dans les années 90.
Je me demandais pourquoi et quel était l’objet du désaccord avec cet ancien associé, pilote de 727 (si je n’affabule pas).

En tant qu’ex agent immobilier et pilote de Caravelle à Air Toulouse à l’époque, vous avez dû en voir passer des choses! Sans malice, un récapitulatif sur ces points (qui constituent finalement un pan de l’histoire aéronautique française) m’intéresserait au plus haut point.

M. Malécot:

Bonjour,
Si vous m’expliquez la raison de votre demande, je vous fournirai bien volontiers les renseignements souhaités.

CockpitSeeker:
A des fins d’études, je souhaiterais présenter l’historique des boîtes qui ont commencé à proposer des QT en mettant en avant le fait que le marché pilote civile se serait dégradé une 1ère fois après la guerre froide et qu’en avait émergé les premières entreprises à proposer des services allant un peu plus loin que la formation.

Deviner qu’un marché “pilote” serait porteur pour aller au delà de la formation initiale et se financer soi même des QT… De ce que j’en sais, vous êtes le mieux placé pour en parler.

M. Malécot:

Aider un étudiant, de plus passionné par l’aéro, est un plaisir et je ne vois par ailleurs aucune raison pour ne pas raconter cette histoire en public, elle n’est ni honteuse, ni confidentielle.

NIVEAU 200 a été créé en 1986 à Agen par Michel CARRASCO, ex-pilote de Vanguard à E.A.S. [aujourd’hui en liquidation avec sursis – ndlr], avec un de ses amis de l’époque, Gérard JANICHON, bien connu dans les milieux de la voile mais non pilote.

A cette époque, je cherchais à créer ma propre école à La Rochelle et plutôt que de nous risquer à une concurrence, nous avons décidé, Michel CARRASCO et moi-même, d’unir nos forces. J’ai donc rejoint NIVEAU 200 en Juin 1987, quelques mois après l’ouverture du centre, en rachetant les parts de Gérard qui, lui, souhaitait repartir vers d’autres horizons. Parallèlement, nous avons créé AIRWAYS, une société de « moyens » permettant d’acquérir et de louer les avions nécessaires à notre activité école.

L’école a connu très vite un grand succès, bien aidée par le marché de l’emploi, très porteur à l’époque mais 4 ans plus tard et en pleine success story, des divergences de vues sont apparues entre nous, sur les stratégies de développement en général et plus particulièrement sur l’opportunité d’accepter un marché certes juteux mais qui ne me convenait pas : la transformation en pilote des 51 mécaniciens-navigants d’Air Afrique.
Ma vocation a toujours été de m’occuper des carrières individuelles et non des marchés compagnie et je craignais qu’il ne soit impossible de faire cohabiter dans une même structure deux types de stagiaires, les pilotes-compagnie et les individuels. L’expérience m’a d’ailleurs donné raison puisque NIVEAU 200 n’a quasiment pas survécu à ce marché d’Air Afrique et que, beaucoup plus récemment, l’EPAG a connu la même mésaventure lors de la perte d’Air France.

En Octobre 1991, nous avons donc décidé d’un commun accord de nous séparer, en vendant les parts que je détenais dans NIVEAU 200 à Michel CARRASCO et lui, en me cédant le capital qu’il avait dans AIRWAYS.
AIRWAYS ayant toujours vécu dans l’ombre de NIVEAU 200, n’avait pas d’existence propre et nous avons dû repartir de zéro. Pour faire face aux échéances, j’ai développé une activité de vols à la demande en plus de celle de formation, activité de transport que j’ai cédé par la suite (au début des années 2000) pour me consacrer uniquement à la formation des pilotes, ma vraie passion et me permettre de réaliser les nouveaux investissements dont l’école avait besoin (renouvellement de la flotte des avions et des simulateurs).

AIRWAYS, devenue AIRWAYS-FORMATION compte aujourd’hui parmi les toutes premières écoles de France et j’ai toujours un grand plaisir à dédier cette réussite à l’ensemble de mes collaborateurs, certains issus de NIVEAU 200, d’autres nous ayant rejoint au fur et à mesure de notre progression mais tous unis par une vraie implication dans le fonctionnement de l’entreprise.
L’heure de la retraite approchant, j’ai finalement vendu « mon bébé » fin 2012 à des investisseurs [Alsim – ndlr] mais avec la certitude d’une continuité puisque le DG n’est autre que mon ancien adjoint, le talentueux et respecté Bernard GARINEAU. L’inaction n’étant pas ma tasse de thé, j’ai finalement repris du service et j’assure maintenant, à la demande de son actionnaire, la direction de la compagnie AIR-LOYAUTE en Nouvelle-Calédonie.

De son côté, NIVEAU 200 a profité du marché d’Air Afrique pour développer une filière de formation à la licence de Pilote de Ligne et à la QT B737, (de mémoire dans les années 93/95) en louant le simulateur de la Royal Air Maroc basé à Casablanca. J’ignore la raison exacte de la déconfiture de NIVEAU 200 par la suite mais peut-être que quelqu’un, dans ce forum, saura écrire la suite de l’histoire.

Pour ma part, j’ai toujours été très hostile aux QT sur avions FAR/JAR 25 faites hors compagnie et sans promesse d’embauche car, outre la dépense considérable que cela représente, cette QT est une compétence hautement « périssable », d’autant plus lorsqu’elle est appliquée à de jeunes pilotes sans expérience et sans possibilité de mise en pratique rapide à la sortie. Bien sûr, la rigueur m’impose de dire que ce type de pari a réussi à nombre de jeunes pilotes qui, sans ce risque délibérément pris, n’auraient probablement pas trouvé de travail. Mais pour un cas réussi, combien de graves désillusions ??? C’est la raison pour laquelle j’ai toujours refusé les offres de collaboration avec les TRTO de l’époque qui vendaient des QT 737 et 320. Choix personnel mais que j’assume pleinement.

CockpitSeeker:
Merci pour votre réponse qui me sera très, très utile…
Je vais pousser ma chance un peu plus loin si vous le permettez.
Quand vous dîtes que:
“L’école a connu très vite un grand succès, bien aidée par le marché de l’emploi, très porteur à l’époque.”

Ce boum était il dû à votre avis à la sortie du 320 (la même année) qui a lancé la possibilité d’évoluer en cockpit à 2 PNT (au lieu de 3 pour le mécano-nav avant cette période), comme le 727 -ou le Caravelle je crois- avait lui même permis aux cockpits de passer de 5 à 3 et qui a donc dû voir la conversion de nombreux OMN [Officiers Mécanicien Naviguant – ndlr]?

Finalement d’ailleurs, FL200 créée en 1986 ne l’a-t-elle pas été en partie par anticipation du marché des QT (en plus de la formation) à venir puisque le 320 était déjà dans les tuyaux (au moins dans la tête de M. CARRASCO)?

M. Malécot

Puisque ce sujet semble intéresser, je continue mes explications.

L’effet de transformation des OMN a été à mon avis, un épi-phénomène car très peu de gens ont été concernés, beaucoup d’OMN sont partis à la retraite de façon anticipée, d’autres ont effectivement bénéficié de transfo pilote.
En fait, dans la décennie 80/90, il se formait environ 500 à 600 pilotes professionnels par an, ce qui correspondait peu ou prou aux besoins de la profession.
Le phénomène marquant a surtout été la création en 1989 de deux compagnies “toutes neuves”, Air Outre Mer devenue ensuite AOM et Air-Liberté dont les besoins en pilote ont été immédiats et qui venaient d’ailleurs recruter leurs PN au sein même des écoles et de Niveau 200 en particulier. (On croit rêver maintenant). J’ai même le souvenir d’une convocation des dirigeants d’écoles à Paris par le Ministre des Transports de l’époque, Delebarre, qui nous demandait d’augmenter “notre production” (ses propres termes) car il allait participer quelques jours plus tard à une émission de télé pour demander des pilotes (comme le Pape réclamait des curés dans les années 50 !)
La première guerre du Golfe en 1991 a donné un coup d’arrêt d’autant plus brutal qu’à une offre d’emploi devenue subitement très faible s’est ajoutée la fameuse “surproduction ministérielle”. Cà a été le l’épisode resté tristement célèbre des “bagagistes d’Air France” où notre compagnie nationale a dû, pour occuper les stagiaires de la filière ENAC, leur proposer un emploi au sol. Il y a eu à cette époque, deux promos de pilotes totalement sacrifiées où très peu d’entre eux ont néanmoins réussis à se caser.
Hélas, malgré quelques soubresauts, la situation de l’emploi des PNT n’a cessé depuis de se dégrader pour arriver à ce que l’on connaît aujourd’hui.

CockpitSeeker:
Logiquement ma dernière question est… comment pourrais-je contacter M. CARRASCO pour lui demander directement [le plan d’action derrière FL200 – ndlr] , puisqu’il est le dernier à avoir tenu la boutique?

M. Malécot:

J’ignore totalement ce qu’est devenu mon ancien associé. Bien que nous nous soyons quittés de façon non conflictuelle, nous ne nous sommes revus qu’une seule fois depuis … sur le quai d’une gare, où nous avons échangé quelques mots de politesse. Il me semble me souvenir qu’il travaillait en Afrique sur 737 mais comme il a le même âge que moi, il doit être en retraite depuis. Pour info, le “mexicain basané” est un surnom que beaucoup de stagiaires lui donnaient à l’époque.

CockpitSeeker:
S’il s’agit bien de lui, il semblerait que même Mediapart a du mal à le joindre…

M. Malécot:

Je viens d’aller voir sur le site de Mediapart et sur Google, le Michel CARRASCO en fuite dont il est question n’a rien à voir avec mon ancien associé. Pure homonymie !
Cordialement

CockpitSeeker:
Merci pour vos précisions et votre temps sur ce topic.

cockpitseeker
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